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Philip & Lamoureux Avocats
Cabinet d'avocats inter-barreaux Marseille et Toulon

L’action directe de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage (Construire une piscine - Partie III)

Monsieur TARTEMPION peut-il se retourner contre l’assureur de Monsieur PINSON alors que sa société est liquidée ou en cours de liquidation ?

Rappel des faits :

"Monsieur TARTEMPION, notre client, a commandé la construction d'une piscine à un entrepreneur, Monsieur PINSON.

Le devis prévoit que 20% du montant total des travaux seront réglés en sus quand le chantier sera totalement terminé. C'est à dire que 20% de la somme totale seront payés en supplément à l'occasion du remplissage de la piscine et de la mise en route des différents équipements permettant de l'entretenir.

Monsieur TARTEMPION a versé à Monsieur PINSON, à la demande de celui-ci, une avance sur ce montant.

Or, alors que la piscine n'avait pas été mise en eau, qu'aucun équipement d'entretien n'avait été mis en route et malgré le fait que le devis de l'entrepreneur prévoyait bien ces étapes finales, Monsieur PINSON n'est plus revenu sur le chantier et ce, malgré les nombreuses relances de Monsieur TARTEMPION qui apprit d'ailleurs, par la suite, la liquidation judiciaire de la société de son pisciniste.

Toutefois, Monsieur PINSON a émis une dernière facture à l'adresse de Monsieur TARTEMPION.

En effet, Monsieur PINSON revendiquait le fait que le chantier était terminé et souhaitait être réglé pour celui-ci.

De son côté, Monsieur TARTEMPION considérait que le chantier n'était pas achevé et avait été abandonné par Monsieur PINSON."

Quoiqu'il en soit, qu'il y ait abandon de chantier ou non, réception ou non, la société de Monsieur PINSON fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Donc, ni sa responsabilité professionnelle ou les garanties afférentes à sa qualité de constructeur ne peuvent valablement permettre une indemnisation de sa part, en cas de survenance d'éventuels désordres.

Mais une demande formée auprès de l'assureur de la société de Monsieur PINSON pourrait peut-être aboutir.

Avant toute chose, il est important de savoir que le constructeur doit souscrire une assurance décennale sous peine de commettre un délit pénal (Article L.243-3 du code des assurances et article L.111-34 du code de la construction et de l’habitation).

Avant tout début de chantier, l’entrepreneur doit remettre une attestation d’assurance à son client, le maître de l’ouvrage (article L.243-2 du code des assurances).

À défaut, le constructeur engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers auxquels cette faute a causé un préjudice et le gérant de la société fautive répond ainsi personnellement de cette faute (Cass. com., 28 septembre 2010, P : 09-66255).

Quant à une action directe dirigée contre l’assureur, l’article L.124-3 du code des assurances donne droit au tiers lésé (victime) à exercer celle-ci.

Cette action connaît la même prescription que celle de la victime à l’encontre du responsable du dommage et le délai biennal de l’article L114-1 du code des assurances (2 ans à compter des faits) ne s’applique pas (Cass. civ. 3ème, 12 avril 2018, P : 17-14858).

Dans le cas où le maître de l’ouvrage voudrait agir contre l’entrepreneur sur le fondement de la responsabilité contractuelle (régime juridique s'appliquant avant la réception), il bénéficierait donc d’un délai de 5 ans, à compter du moment où le désordre apparaît et ce, jusqu’à 20 ans après la signature du devis.

En matière contractuelle et avant la réception du chantier, le maître de l’ouvrage a donc 5 ans pour agir contre l’assureur dans la limite des 20 ans du devis.

Sur le fondement des garanties du constructeur, le maître de l’ouvrage peut agir dans les mêmes délais (1 an, 2 ans et 10 ans à compter de la réception) contre l’assureur de l’entrepreneur.

Toutefois, cette action contre l’assureur est-elle recevable si le responsable n’est pas mis en cause, notamment parce qu’il n’existe plus (en raison de sa liquidation par exemple) ?

La Cour de cassation ne conditionne plus l’action directe de la victime contre l’assureur à la mise en cause préalable du responsable. (Arrêt de principe Cass. civ. 1ère, 7 novembre 2000, P : 97-22582)

La victime du dommage n’est donc plus tenue de se soumettre à la procédure de vérification des créances pour agir directement contre l’assureur du responsable afin d’obtenir réparation de son préjudice. (Voir arrêt Cass. civ 3ème, 12 mai 2004, P 01-12293 ; Cass. civ. 2ème, 15 mai 2008, P 06-19737) La réponse est donc oui. C’est possible. Cette action a cependant des limites.

L’assureur peut opposer à la victime les exceptions qu’il aurait opposées à l’assuré telles que des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité (Article L.112-6 du code des assurances).

(Ces exceptions sont bien évidemment opposables à la victime dans un cadre amiable.)

En l’espèce, Monsieur TARTEMPION pourrait donc solliciter le financement de la réparation des désordres, directement auprès de l’assureur de Monsieur PINSON, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle ante-réception, sans avoir au préalable déclaré sa créance à l’occasion de la procédure de liquidation judiciaire.

Néanmoins, pour cela, la société de Monsieur PINSON devait être assurée, pendant son activité, pour ce type de sinistre (qui diffère des garanties du constructeur) et les assurances des entrepreneurs n'interviennent pas à ce stade du chantier.

Ici, l'action directe de Monsieur TARTEMPION contre l'assureur de la société de Monsieur PINSON ne peut aboutir.

Découvrez l'article IV : la réception tacite

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