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Philip & Lamoureux Avocats
Cabinet d'avocats inter-barreaux Marseille et Toulon

La réception tacite (Construire une piscine - Partie IV)

Monsieur TARTEMPION, notre client, a commandé la construction d’une piscine à un entrepreneur, Monsieur PINSON.

Le devis prévoit que 20% du montant total des travaux seront réglés en sus quand le chantier sera totalement terminé. C’est-à-dire que 20% de la somme totale seront payés en supplément à l’occasion du remplissage de la piscine et de la mise en route des différents équipements permettant de l’entretenir.

Monsieur TARTEMPION a versé à Monsieur PINSON, à la demande de celui-ci, une avance sur ce montant.

Or, alors que la piscine n’avait pas été mise en eau, qu’aucun équipement d’entretien n’avait été mis en route et malgré le fait que le devis de l’entrepreneur prévoyait bien ces étapes finales, Monsieur PINSON n’est plus revenu sur le chantier et ce, malgré les nombreuses relances de Monsieur TARTEMPION qui apprit d’ailleurs, par la suite, la liquidation judiciaire de la société de son pisciniste.

Toutefois, Monsieur PINSON a émis une dernière facture à l’adresse de Monsieur TARTEMPION.

En effet, Monsieur PINSON revendiquait le fait que le chantier était terminé et souhaitait être réglé pour celui-ci. Pour sa part, Monsieur TARTEMPION considérait que le chantier n’était pas achevé et avait été abandonné par Monsieur PINSON.

Monsieur TARTEMPION voudrait donc, quant à lui, contester cette facture en résiliant le contrat de construction.
Mais cette dernière option empêche toute possibilité pour Monsieur TARTEMPION de voir financer, par l'assureur de la société de Monsieur PINSON, la réparation des désordres qui pourraient survenir (soit sur le fondement des garanties du constructeur puisqu'il n'y a pas, ici, de réception - soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur encadrant sa prestation avant la réception car aucune assurance n'intervient avant la réception.)

Tandis qu’inversement, réceptionner la piscine et considérer qu’il n’y a pas d’abandon de chantier en réglant la facture de la société de Monsieur PINSON, permettrait de bénéficier des garanties de ce constructeur, de pouvoir faire valoir sa responsabilité pour des désordres intermédiaires et de disposer d’une action directe à l’encontre de son assureur.

Quoi qu’il en soit, bien qu’assurée pour sa garantie décennale, la société de Monsieur PINSON ne peut plus continuer son activité et ne peut donc plus produire de PV de réception.

Monsieur TARTEMPION pourrait-il faire valoir une réception tacite (sans PV) ?

C’est la jurisprudence qui a établi les conditions de la réception tacite au visa de l’article 1792-6 du code civil.

Une réception tacite résulte de la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner le chantier.

La jurisprudence considère que cette volonté non équivoque peut se manifester par :

● Une prise de possession du maître de l’ouvrage (Cass. civ., 3ème, 3 mai 1990, P : 88-19301) ;
● Et un paiement intégral (Cass. civ., 3ème, 16 mars 1994, P : 92-10957 ; Cass. civ., 3ème, 23 mai 2012, P :11-10502)

En l’espèce, Monsieur TARTEMPION pourrait donc choisir de considérer que l’ouvrage est terminé, d’accepter et de réceptionner cet ouvrage, de régler la facture émise par Monsieur PINSON et de profiter de sa piscine.

Monsieur TARTEMPION pourrait, lui-même, remplir sa piscine et mettre en route les équipements (c’est-à-dire ouvrir le tuyau d’arrosage et appuyer sur un interrupteur qui alimente la pompe et le filtre).

En cas de survenance de désordres, il pourrait ainsi faire valoir une réception tacite pour bénéficier des garanties du constructeur. Monsieur PINSON avait d’ailleurs proposé cette solution que nous avons donc étudiée.

Le premier inconvénient réside dans le fait que Monsieur TARTEMPION est censé avoir accepté l’ouvrage avant sa mise en eau. Donc, la réception serait faite sans réserve et purgerait tout désordre apparent.

De plus, la réception tacite n’est pas acquise par nature et, en cas de désordres (apparus ultérieurement à la réception), elle pourrait donner lieu à une discussion avec l’assureur qui pourrait refuser sa garantie.

La discussion pourrait notamment porter sur le caractère achevé ou non du chantier.

La Cour de cassation estime toutefois que l’achèvement des travaux n’est pas une condition de la réception (Cass. civ. 3ème, 13 novembre 2014, P : 13-24316).

NB : Il n’y a pas de réception tacite résultant du seul fait de la succession d’entrepreneurs (Cass., civ. 3ème, 19 mai 2016, P. n°15-17129

Découvrez l'article V : L'intervention de plusieurs entrepreneurs

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